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Comment transformer les organisations quand les baronnies font de la résistance ?

Une des difficultés dans le déploiement des projets de transformation est la résistance de certaines entités ou groupes en interne souvent appelés « baronnies ». Alors que sont ces baronnies organisationnelles, comment fonctionnent-elles, et surtout comment les déjouer pour ne pas bloquer les projets de transformation ?

Au programme de cet article :

  1. Baronnie organisationnelle, de quoi parle-t’on ?
  2. Les signes révélateurs d’une baronnie.
  3. Des exemples d’effets négatifs de baronnies.
  4. Nos 8 recommandations pour faire face aux baronnies des organisations.

Ce terme désigne, depuis l’époque médiévale, un territoire, un fief, sur lequel s’exerce le pouvoir d’un seigneur ou d’un « baron ». Dans les organisations, l’apparition des baronnies est intimement liée aux relations de pouvoir. Robert Herbold, dans son livre « Le syndrome Baronnie », explique qu’elles apparaissent lorsque des individus, des groupes ou des divisions – par peur – cherchent à se rendre vitaux pour leurs organisations et tentent inconsciemment ou parfois délibérément de protéger leur territoire ou de remodeler leur environnement pour obtenir autant de contrôle que possible sur ce qui se passe au sein de l’organisation.

Indra Nooyi, ancien PDG de PepsiCo, avait l’habitude de dire que « les baronnies sont l’un des symptômes d’un mauvais leadership. Lorsque les dirigeants ne parviennent pas à fixer des objectifs clairs, à établir des lignes de communication claires et à tenir les gens responsables de leurs actes, les baronnies prospèrent. »

Les baronnies sont souvent confondues avec des « silos ». Elles sont organisées autour d’une personne et d’un territoire, alors que les silos sont davantage définis par les limites d’une fonction ou d’un département et sont souvent reliés à des compétences ou des métiers spécifiques. Cela étant dit, le patron d’un département ou d’une unité productive peut se transformer en une baronnie.

baronnies organisationnelles comment ne pas freiner les projets de transformation ?

Les baronnies ont certaines spécificités :

  • Elles sont organisées autour d’une personne, d’un chef, d’un « baron » qui contrôle un territoire. « Lorsque vous avez un fief, vous êtes plus intéressé par la protection de votre territoire que par le service de l’entreprise. » disait Jack Welch, l’ancien PDG de General Electric.
  • Le chef est plus concerné par ses propres priorités que par celles de l’organisation comme l’affirme Richard Branson, fondateur du groupe Virgin, lorsqu’il dit : « Les baronnies sont comme des mini-royaumes au sein d’une entreprise où les dirigeants sont plus préoccupés par leurs propres intérêts que par les intérêts de l’entreprise. »
  • Il existe une très forte cohésion interne au sein des baronnies avec des règles et des rituels spécifiques qui rendent difficile l’intégration de nouveaux membres. « Les baronnies sont comme de petits empires au sein d’une organisation, avec leurs propres règles et hiérarchies. » – John Donahoe, PDG de Nike.
  • Il y a une très forte préoccupation pour les objectifs de la baronnie au détriment de ceux du collectif. Comme l’affirme Tim Cook, le PDG d’Apple « Les fiefs apparaissent lorsque les gens commencent à se soucier davantage de leurs propres objectifs que du succès global de l’entreprise. »
  • Il y a une pensée dominante avec la survalorisation de ses propres compétences et une méfiance a priori vis-à-vis des pensées divergentes. « Les baronnies sont un cancer qui se propage dans toute une organisation, créant un environnement de méfiance, d’animosité et de dysfonctionnement. » – Jack Welch, ancien PDG de General Electric.
  • Enfin, tout ce qui peut provenir du monde extérieur à la baronnie, notamment les projets de transformation et de changement, peut constituer des menaces et donc des résistances à la transformation.
  • Paralysie stratégique
    Entraver l’exécution ou le suivi des projets stratégiques de l’organisation, ce qui peut conduire à la stagnation organisationnelle et/ou à son déclin. Les projets de transformation nécessitent une coopération fluide entre les départements. Les baronnies fragmentent cette collaboration, retardant ou sabotant les initiatives. Une grande banque européenne a récemment vu son projet de digitalisation échouer parce que son département IT refusait de travailler avec les équipes marketing sur une plateforme commune.

  • Perte d’efficacité et de rentabilité
    Conduire à l’inefficience et à l’inefficacité au sein d’une entreprise, lui faisant perdre des parts de marché et réduisant sa rentabilité. Les baronnies génèrent des redondances et des conflits internes qui augmentent les coûts et réduisent l’efficacité opérationnelle. Par exemple, une entreprise manufacturière a constaté que plusieurs unités développaient des outils identiques en parallèle, gaspillant des ressources précieuses.

  • Étouffement de l’innovation
    Étouffer la créativité et l’innovation. En verrouillant l’accès aux idées extérieures et en priorisant leurs propres processus, les baronnies limitent l’innovation. Ginni Rometty, ancienne PDG d’IBM, résume bien ce point : « les baronnies sont l’ennemi de l’innovation, car elles limitent la collaboration et bloquent la communication. »

  • Cloisonnement organisationnel
    Développer le « cloisonnement » organisationnel et renforcer le repli sur soi. Les baronnies favorisent une culture du repli sur soi, rendant difficile l’émergence d’une vision commune et augmentant le risque de stagnation.

    Comme on ne peut ignorer l’existence des baronnies, il est important de savoir bien les gérer afin de faciliter la mise en place des projets de transformation.

    • N°1 – Construire des relations de confiance : le 1er levier à activer est la construction de relations de confiance au sein de l’organisation. Les baronnies sont le symptôme d’un problème plus vaste – un manque de confiance et de communication au sein de l’organisation. « Pour faire tomber ces barrières, nous devons créer une culture d’ouverture et de transparence, où chacun se sent valorisé et entendu. » dit Mark Zuckerberg, PDG de Facebook.

    • N°2 – Impliquer les leaders des baronnies : le 2d levier est l’association des dirigeants. Il est très important d’intégrer les patrons de ces baronnies dès les phases les plus en amont, dans la conception des projets de transformation. De la sorte, ils auront eu la possibilité de s’exprimer et de voir reconnaitre leur importance au sein de l’organisation.

    • N°3 – Identifier et répondre aux craintes des barons : le 3ème levier à activer est la reconnaissance de leurs besoins et de leurs craintes. Il est primordial d’analyser leurs besoins et leurs difficultés mais aussi leurs éventuelles craintes face à la mise en place des projets de transformation.

    • N°4 – Établir des objectifs partagés : la reconnaissance des besoins permet d’activer un 4ème levier qui est la construction d’objectifs communs, de quelle manière les projets mis en place peuvent leur être utiles et créer de la valeur pour leur collectif. Il s’agit de proposer des solutions gagnant/gagnant pour l’ensemble des parties prenantes, comme le dit Mary Barra, PDG de General Motors : « Lorsqu’il s’agit de baronnies, il est important de comprendre leurs motivations et leurs préoccupations. En trouvant un terrain d’entente et en travaillant ensemble vers un objectif commun, vous pouvez surmonter la résistance et réussir. »

    • N°5 – Favoriser la transversalité par des projets clients : 5ème levier à activer comme le dit Ranjay Gulati, dans son article publié dans la Harvard Business Review, est la nécessité de mettre en place des projets focalisés clients avec des équipes appartenant à différentes entités/territoires. Cela permet de développer les habitudes en termes de partage des ressources et de coopération.

    • N°6 – Encourager la responsabilité mutuelle : souvent les membres des baronnies résistent à s’engager autour des projets collectifs de peur de perdre les ressources dont ils disposent. Le 6ème levier à activer est la mise en place d’un mode de fonctionnement fondé sur la responsabilité mutuelle et la réciprocité, signifiant que chacun s’engage à partager les difficultés de l’autre et à donner autant qu’il reçoit.

    • N°7 – Garantir l’équité dans les décisions : le 7ème levier à activer pour combattre les baronnies c’est l’équité dans les prises de décisions et les arbitrages. Si les différents départements ou entités qui acceptent de mobiliser leurs ressources sur des projets collectifs, observent que les décisions prises sont injustes ou ne prennent pas en considération leurs besoins et intérêts, alors ils se replient sur eux-mêmes.

    • N°8 – Promouvoir une communication transparente : le dernier levier à activer est une communication multilatérale transparente et sincère avec l’ensemble des parties prenantes afin qu’ils puissent avoir accès au même niveau d’information pour organiser leurs actions.

    En conclusion, la présence de baronnies organisationnelles représente un défi majeur pour la transformation des entreprises. Ces entités, caractérisées par une forte cohésion interne, une focalisation sur des objectifs propres et une résistance au changement, engendrent des conséquences néfastes sur la performance globale, l’innovation et la coopération.

    Combattre ces baronnies nécessite une approche multidimensionnelle. Il ne suffit pas de les ignorer ou de les contourner ; il est crucial d’établir une relation de confiance, d’impliquer les leaders de ces groupes dans les processus de changement, et de s’attaquer aux craintes sous-jacentes à leur résistance. La création d’objectifs partagés, la mise en place de projets transversaux, et le renforcement d’une communication transparente et équitable sont des leviers essentiels pour favoriser la collaboration et surmonter les obstacles.

    En définitive, le succès de toute transformation repose sur la capacité à transformer ces fiefs en acteurs collaboratifs, contribuant à la vision et aux objectifs globaux de l’organisation. La réussite dépendra d’une transformation culturelle profonde qui valorise l’ouverture, la transparence et l’engagement collectif.

    Ressources :

    • Robert Herbold, former chief operating officer of Microsoft and CIO of Procter & Gamble : The Fiefdom syndrome
    • Ranjay GULATI  » Silo Busting » HBR Collaborating Effectively »
    • Sally Bagshaw: Taming fiefdoms: collaboration, content and complex stakeholders
    • « The Silo Effect: The Peril of Expertise and the Promise of Breaking Down Barriers » by Gillian Tett (2015) – This book explores the phenomenon of silos in organizations and how they can hinder collaboration and innovation.
    • « Breaking Down Silos: Collaboration in the Workplace » by Mark Mortensen and Heidi K. Gardner (2016) – This Harvard Business Review article discusses the negative impacts of silos on organizational performance and provides strategies for breaking them down.
    Ali Armand consultant Cinaps

    Ali Armand – Consultant stratégie et transformation des Cinaps.

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