L’engagement des collaborateurs, si difficile à mobiliser est sans conteste le meilleur atout des organisations en croissance. Or, l’enquête Gallup soulignait déjà en 2018 une crise de l’engagement, avec seulement 6% des salariés français engagés, soit l’avant-dernier taux d’engagement le plus faible d’Europe ! Des résultats au premier abord catastrophiques mais à nuancer si on en croit l’étude du cabinet de conseil Korn Ferry de 2018, qui infirmait ses chiffres : 74% des salariés français expriment de l’intérêt pour leur travail. Bon, alors ? me direz-vous !
Depuis 2018, le Covid 19 a tout de même affecté l’engagement des collaborateurs. L’enjeu pour les organisations est de taille. Pour les managers, les bonnes pratiques en matière d’expérience collaborateur sont déterminantes pour augmenter la performance et renforcer l’engagement au travail. A ce sujet, je vous invite à lire le livre blanc que Cinaps a réalisé sur les tendances managériales permettant de booster l’expérience collaborateur.
Alors, revenons-en à notre article, quels conseils donner à un manager ou à un dirigeant pour (ré)engager ses équipes ?
L’expérience d’Hubert, directeur des achats
« Comment faire pour que les gens adhèrent ? » me demande un jour Hubert, au détour d’une conversation. Hubert est directeur des achats et avec son équipe, il tente avec beaucoup de difficultés de faire adopter par les usines du groupe et par l’ensemble des services de nouvelles procédures d’achat.
« 6 mois que j’essaie de déployer les nouvelles procédures d’achat auprès de l’ensemble des services et je ne rencontre que des résistances ou des engagements qui ne sont, au bout du compte, pas tenus. Quelle galère ! J’ai pourtant bien expliqué, comme on me l’a appris en formation au management, à tenir un discours sur les valeurs communes et fédératrices mais rien n’y fait. » Il est clair que ces changements n’arrangent pas tout le monde et surtout les directeurs d’usine. Ils voient leur pouvoir de décision quelque peu diminuer avec la nouvelle organisation. Des habitudes prises depuis plus de 20 ans pour certains sont remises en cause.
Avant de vous expliquer les 10 conseils donnés à Hubert pour susciter l’engagement, voici quelques informations clefs pour mieux comprendre la suite.
Adhésion ou approbation ?
Et si les valeurs ne suffisaient pas ?
Le mot employé par Hubert (adhérer) est très significatif d’une croyance forte qui freine souvent les tentatives de changement. J’ai commencé par faire comprendre à Hubert que ce qu’il fallait chercher, ça n’était pas l’adhésion mais l’approbation, qui est une première étape vers l’engagement. En d’autres termes, ce qu’il faut aller chercher c’est la mise en mouvement. Nombreux sont les managers qui confondent adhésion et approbation. L’adhésion suppose un accord sur des valeurs morales. L’approbation quant à elle, est un consentement donné à une proposition d’actions.
Les valeurs ne fondent pas l’engagement
Une très ancienne conviction, très généralisée dans le discours managérial tend à considérer que les valeurs sont le fondement de l’action et donc de l’engagement. Or rien n’est moins sûr si l’on en croit les chercheurs en sciences des organisations (cf. J-M BARBIER – Séminaire du CRF / 2003 – Valeurs et activités professionnelles, Paris, L’Harmattan). Selon le chercheur du CNAM, les valeurs ne fondent pas l’action pour plusieurs raisons :
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Les valeurs ne sont jamais intégralement investies et mises en pratique dans l’action concrète.
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L’engagement dans l’action n’est pas systématiquement fait au nom de valeurs et ne nécessite pas systématiquement une référence à des valeurs.
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C’est souvent l’action (l’expérimentation, le fait de faire) qui détermine les valeurs d’action.
En cherchant l’adhésion, Hubert joue sur un registre impossible. En effet, chacun sait que les valeurs sont des discours souvent très vagues qui ne permettent pas à chacun de se positionner et de s’engager même si elles sont intimement partagées. Brauman, fondateur de Médecins Sans Frontières (MSF) parle ainsi de la conviction qu’il s’est “ forgée au cours des années passées à MSF, que l’invocation des valeurs permet de ne pas penser aux véritables problèmes ”. Delamaire, responsable de formation à EDF GDF, se demande “ si la poursuite de la construction d’une éthique ne constitue pas une échappatoire à la souffrance de situations difficiles à vivre que l’on préfère éviter d’évoquer, tant elles mettent en jeu non seulement des contraintes et des fonctionnements quotidiens moins nobles et moins agréables à contempler ”.
Dès lors, que répondre à Hubert si le discours sur les valeurs qui sous-tendent son action (meilleure satisfaction des bénéficiaires, gain de temps et de facilités pour les opérateurs, optimisation des coûts pour l’entreprise) ne porte pas ses fruits ? Comment obtenir l’approbation et l’engagement à faire ? La problématique est générale et centrale dans le management que l’on soit manager hiérarchique, transverse ou chef de projet.
L’engagement nait de la confiance
Nous avons proposé à Hubert de respecter quelques règles simples, que nous préconisons dans nos formations au management d’influence. Ces règles ne cherchent pas l’adhésion et ne se situent pas sur le plan des valeurs morales mais ont pour seul objectif de générer entre le manager et ses interlocuteurs un climat de confiance. La confiance est par nature un facteur fort de l’engagement si l’on attend de ses interlocuteurs un engagement éclairé et volontaire et non un engagement subi ou généré par la peur (pour générer ce type d’engagement il existe des méthodes connues, simples et efficaces que nous n’aborderons pas ici).
Lire aussi notre article : 6 conseils pour mieux faire confiance à ses collaborateurs
Nos 10 conseils pour susciter l’engagement
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Avoir une ambition claire et jouer la transparence : être challengeant et réaliste à la fois, ne pas occulter les contraintes et les difficultés, ne pas créer d’illusions.
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Être en proximité : connaître ses interlocuteurs, se rendre familier, être présent dans l’action auprès d’eux.
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Identifier et démontrer les intérêts pour l’autre de l’engagement. Cela suppose de bien connaître ses interlocuteurs, leur écosystème, leur métier, leurs besoins et leurs contraintes.
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Clarifier ce qui est négociable de ce qui ne l’est pas. Négocier le périmètre, les moyens et les délais mais jamais les objectifs.
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Avoir une vraie démarche organisée qui donne confiance dans vos capacités à déployer l’action. Démontrer votre compétence et votre maîtrise du process de déploiement.
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Être à l’écoute des besoins de l’autre et les prendre réellement en compte mais savoir aussi confronter l’autre dans ses contradictions ou ses erreurs.
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Laisser le temps de la réflexion et de l’organisation mais fixer des jalons précis.
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Donnez et vous recevrez : donner de l’aide, des moyens, donner de son temps, de son écoute.
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Co-construire la démarche et les solutions dans un esprit de coopération et non de compétition. C’est prévoir des espaces et des temps délibératifs et de partage des décisions, des problèmes et de régulation des inévitables conflits.
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Toujours faire prendre des engagements en public et les rendre publics. L’engagement pris face aux autres est toujours plus « engageant ».
On le voit bien ici, parmi ces 10 conseils, il n’est nullement fait explicitement référence à un quelconque partage de valeurs comme préalable à l’action. Nous pouvons tous vérifier que chacun de ces points est un facteur réel de l’engagement. Il suffirait pour ce faire de se poser une question simple : est-ce que je m’engagerais dans une action qui me serait proposée si chacun de ces points n’était pas respecté ?