Pour en finir avec les « bullshit meetings »

Pourquoi certains meetings sont-ils inefficaces ? 

Nous avons tous déjà participé ou lancé un meeting en se posant l’une de ces questions : pourquoi suis-je là ? Qu’est-ce qui va pouvoir sortir de ce meeting ? Comment faire en sorte que les participants n’aient pas l’impression de perdre leur temps ?  
Au travers d’exemples concrets, nous vous proposons de faire le parallèle entre des expériences difficiles (dont nous avons masqué les véritables commanditaires) et des expérimentations inspirantes observées dans différentes entreprises. Enfin, nous partageons quelques questions à se poser pour éviter le piège des « bullshit meetings » et faire des choix de réunions plus cohérents et efficaces. 

1- Bullshit meetings VS expériences pour faire autrement

Le briefing du lundi de l’équipe Opé.Prod VS le stand-up briefing de Lhyfe 

Pierre, responsable de l’équipe Opé.Prod prend la parole dans la salle de réunion pour le briefing du lundi qui réunit tous les collaborateurs et doit durer 30 minutes. Il entame la réunion d’équipe en affirmant que tous les sujets importants de la semaine peuvent être abordés. Il présente toutes sortes d’informations en vrac et questionne les collaborateurs. Ceux-ci réagissent et lancent différents sujets polémiques. Au bout d’une heure Pierre interrompt la réunion d’équipe en disant que la question posée n’a rien à faire ici. Chacun retourne à son travail avec un sentiment de frustration et une légère envie de retourner en week-end. ☹️

A la même heure, Matthieu arrive dans la salle de pause de Lhyfe, jeune startup dans le secteur de l’hydrogène vert pour un brief hebdomadaire hybride. La visio accessible à tous les collaborateurs à distance ou en télétravail est déjà programmée pour le brief de 20 minutes. Il lance un bonjour à toute l’équipe et lance le traditionnel mot d’ordre de ce rituel : l’annonce des news et des avancées importantes de Lhyfe de la semaine ainsi que les priorités de la semaine à venir. Après avoir souhaité la bienvenue en nommant par leurs prénoms toutes les personnes récemment arrivées dans l’entreprise, il donne les « good news » hebdomadaires et les réussites de Lhyfe en citant les contributeurs que tout le monde applaudit. Ensuite en quelques minutes, il annonce les informations importantes (pour tous) de la semaine à venir et souhaite à tout le monde une belle semaine avant de terminer la réunion d’équipe 1 minute avant l’heure annoncée. La semaine est lancée et chacun peut vaquer à ses priorités. 

Du côté de Pierre, l’intention est louable : ouvrir l’échange à divers sujets et ne pas créer de tabous. Cependant, le contexte, la finalité, le format de cette réunion d’équipe ne permettent pas de conduire cet exercice sereinement. Il manque un cadre clair, un format rituel qui soit annoncé et adapté au timing court, comme proposé par Mathieu lors de son stand-up meeting. Enfin, aborder des sujets polémiques avec des personnes qui ne sont pas forcément concernées et ce, dès le lundi matin, engage tout le monde dans un mauvais mood pour la semaine. Pierre aurait pu réduire les informations au public présent (des informations liées à un service pourront être diffusées dans le service concerné).  

Le meeting brainstorming Loop-Cool VS le brainstorming silencieux de Surf-Office  

Hélène, responsable marketing Loop-Cool lance un temps de brainstorming. Elle convie tout le monde en hybride dans l’openspace de l’équipe et propose que toute l’équipe lance des idées créatives pour la future campagne RSE de l’Entreprise. Au départ, peu de personnes se lancent, puis les idées arrivent, certaines rencontrent du succès, d’autres sont critiquées pour leur manque de sérieux ou d’ambition. Finalement, beaucoup d’idées émergent mais ce sont essentiellement les adjoints d’Hélène qui ont contribué au brainstorming et l’équipe semble peu engagée. 

A la même heure, Lucie de Surf-Office engage son équipe dans un espace calme du plateau dans un brainstorming silencieux. Elle propose ainsi trois temps dans cet atelier de créativité :  1) Une proposition d’idées par post-its de couleurs avec les idées pour chacun des 2 sujets du jour. 2) Un temps de vote sur les idées et 3) un pitch et une pollinisation autour des idées les plus plébiscitées. Chacun repart avec le sentiment d’avoir pu contribuer, d’avoir eu sa voix et d’avoir pu échanger sur les différentes propositions.  

Le lancement d’un brainstorming nécessite que les conditions soient réunies pour favoriser la créativité autour du sujet. Pour Hélène, le choix de réaliser le brainstorming sur le lieu de travail de tous, en mode hybride, ne facilite pas la décentration nécessaire à l’exercice de créativité. Chacun reste sur ses modes de fonctionnement habituels, postures et places établis. Ainsi elle est confrontée aux mêmes luttes de pouvoir ou d’influence que sur les fonctions de l’équipe.  

Le choix de Lucie permet de changer d’environnement et de principe pour dépasser les rôles établis. Ainsi, ce ne sont pas toujours les mêmes ou les statuts qui influencent la créativité. La première étape offre la possibilité à chacun de s’exprimer, introvertis comme extravertis, leaders comme challengers. La seconde offre une dimension de choix collaboratif dépourvu de jugement qui permet à chacun de se réapproprier les idées plébiscitées et ainsi collaborer en intelligence collective. Les participants sortent de l’exercice renforcés dans leur puissance collective plutôt qu’en conflit d’idées. 

La réunion partage d’idées de l’équipe Qualifab VS le walking meeting de L’Occitane 

Bruno de Qualifab lance avec son équipe un temps de partage de pratiques et de difficultés afin de faire un choix entre deux techniques de production alternative. Il réunit les 2 équipes postées (2 équipes qui se relayent en 2×8) afin de témoigner des avantages et des inconvénients des 2 solutions. Rapidement, chaque équipe propose des arguments en faveur de sa technique de production fétiche. Les discussions se figent et Bruno renonce à réaliser un choix et le repousse à plus tard. 

Solenn, manager de L’Occitane, choisit de lancer un échange en énonçant clairement que l’objectif n’est pas de faire un choix. Elle propose un format en extérieur en binômes de 2 personnes d’équipes postées différentes pour échanger en marchant dans l’espace vert de l’usine. Chaque binôme constitué de collaborateurs des 2 équipes de matin et d’après-midi doit identifier un avantage et un inconvénient des 2 modes de production proposés et identifier le taux d’efficacité des 2 solutions. Les binômes échangent ouvertement et chacun essaye de défendre sa solution fétiche mais joue le jeu de l’exercice. Solenn sort de là avec les avantages et inconvénients des 2 solutions et une cotation des 2 solutions partagées au sein de 2 équipes. 

La solution de Bruno a le mérite d’engager un échange entre équipes qui se vivent comme concurrentes mais l’ambition affichée de faire un choix fige les 2 équipes dans des représentations et des attitudes contre-collaboratives (faire gagner la solution préférée de mon équipe par loyauté). Le choix alternatif de Solenn permet de casser l’esprit de compétition et la sur-loyauté au groupe. Choisir dans un temps court sans un double objectif permet de ne pas créer de la pression autour du choix et d’offrir un vrai temps de partage ouvert en binômes. Le principe fixé d’échanger sur un avantage et un inconvénient oblige à une forme d’équité et à factualiser les préférences.  

2- Un questionnement pour vous aider à faire des choix judicieux

Quels que soient les choix effectués, la capacité du leader du meeting à expliquer pédagogiquement pourquoi les personnes se réunissent et l’origine qui a amené au choix de ce meeting sont essentielles. Comprendre le sens du choix d’organiser cette réunion aide chaque participant à s’engager ou non dans la participation à l’évènement.  

Pour éviter le désenchantement, il est important de s’assurer que le résultat visé peut être atteint dans le temps de la réunion de travail. Rien de pire pour le moral que de ne pas atteindre l’objectif fixé au début de réunion. Alors, l’objectif est-il atteignable dans le format et le temps imparti ? Cette clarté vous permettra de fédérer tout le monde autour d’un but à atteindre. 

Pour éviter le syndrome du « pourquoi suis-je là  ? », il est important de s’assurer de la pertinence des personnes conviées et de légitimer leurs rôles. Ainsi, chacun pourra se sentir concerné, s’impliquer et être acteur du process d’intelligence collective. 

Pour cela, la question sous-jacente est « est-ce que le format de meeting proposé est cohérent avec l’objectif et les besoins des participants ? ». Le format proposé doit permettre d’atteindre le but fixé pour que chacun voit la plus-value de son investissement durant le temps collaboratif. Un pour ou contre sera plus approprié qu’un brainstorming si l’on veut faire un choix. Une réunion d’information mieux qu’un débat s’il s’agit de diffuser des news rapides. 

Enfin, si vous avez réussi à créer un meeting pertinent, n’oubliez pas d’acter les décisions prises et d’ancrer l’action dans la continuité. Pour cela, pas besoin de comptes-rendus fleuves mais simplement de partager les idées clés, actions, personnes impliquées et temporalité de l’action pour rendre concrets les résultats du temps collectif investi. 

A vous de jouer pour des meetings inspirants et efficaces. Et pour aller plus loin, venez découvrir l’illustration d’un séminaire d’innovation managériale basé sur l’inspiration Landscape Cinaps.