Nous pouvons tous constater facilement, depuis l’ouverture de ce nouveau siècle, une accélération de besoins nouveaux des entreprises en matière de management. Pourquoi ? Car elles choisissent des structures de plus en plus décentralisées, de plus en plus résiliaires afin de mieux porter organisationnellement des priorités stratégiques telles que l’innovation, l’agilité, l’empowerment, la performance, la coopération et la responsabilité. Le développement des marges de manœuvre, la subsidiarité, la recherche d’autonomie et de la responsabilité devient donc un des défis le plus important des managers aujourd’hui. On utilise d’ailleurs souvent le terme de « manager facilitateur » et celui de « servant leader » pour insister sur cette dimension.
Encore faut-il pour le manager savoir faire confiance à ses collaborateurs, ce qui n’est pas chose toujours simple. Notamment quand on est soi-même aux prises avec des exigences de résultats fortes qui engagent notre propre responsabilité de manager.
Comment mieux faire confiance ?
- Tout d’abord, travailler sur ses freins personnels à la confiance.
Pour faire confiance à autrui, on est avant tout face à soi-même. Nous éprouvons tous des freins personnels internes qui peuvent relever de nos croyances, de nos habitudes de penser et de faire, de nos valeurs, mais aussi de notre structure de personnalité, etc. Ce sont autant de facteurs inhibants dans notre confiance à l’autre. Ces freins se traduisent dans nos pratiques de manière récurrente et parfois sans que l’on en ait véritablement conscience, car ces pratiques constituent notre « normalité fonctionnelle habituelle ».
Par exemple, nous avons du mal à déléguer ou nous avons l’habitude de tout contrôler, car nous considérons qu’un « bon » manager doit tout contrôler. Aussi, la prise de conscience et un travail spécifique sur ces freins internes et ces croyances deviennent des conditions indispensables pour apprendre à « faire confiance ». - Fluidifier et prendre en compte la parole.
La parole est bien souvent « contenue », « retenue », et/ou pas « entendue » dans les organisations, d’une part parce que l’on promeut peu d’espaces et de moments de dialogue, mais aussi parce que certaine culture organisationnelle la favorise peu.
Or l’accès à l’expression est un levier important du développement du pouvoir des collaborateurs et de leur reconnaissance comme des êtres de valeurs en qui nous avons confiance.
De plus, la fluidification, voire la libération de la parole est un moyen important pour renforcer à la fois l’intelligence collective, la collaboration, l’innovation, mais aussi la fédération des parties prenantes autour de projets communs. La parole ainsi libérée doit être entendue et prise en compte sincèrement. Cela signifie qu’il faudra donner suite à cette parole à chaque fois que cela est possible et lorsque tel n’est pas le cas d’en évoquer les raisons. - Renforcer le pouvoir d’agir.
Faire confiance à autrui se traduit spécifiquement par le développement du pouvoir d’action et de décision sur des registres précis et dans un périmètre déterminé. Il s’agit, en l’occurrence, pour le manager de laisser de la place à ses collaborateurs et de leur donner la possibilité de prendre des décisions (décentralisation), et de contrôler les modalités d’utilisation des ressources (déconcentration). Plus nous faisons confiance à autrui, plus nous lui accordons des marges de manœuvre et des coudées franches afin qu’il puisse s’exprimer pleinement, développer des initiatives et faire preuve de proactivité.
De surcroit, ce type de pratiques managériales est en total adéquation avec les spécificités d’un environnement complexe qui est marqué par l’accélération et la rapidité des réactions. On doit agir au plus près des exigences de la performance sans attendre et parfois dans l’immédiateté : il faut libérer le pouvoir d’agir là où l’action se mène. Or ceci n’est possible que si nous faisons confiance aux collaborateurs engagés dans l’action. - Soutenir les confrontations constructives.
Faire confiance à ses collaborateurs se traduit aussi par la réduction de la « peur des conflits et des confrontations » au sein de son équipe. Pour ce faire, le manager soutient les confrontations constructives en encourageant une dialectique « divergence / convergence » afin de favoriser l’expression des points de vue et la remise en cause des certitudes acquises (qui peuvent parfois constituer des freins au progrès et à l’innovation). Le fait de pouvoir exprimer une pensée divergente, sans craindre la réprobation, voire la sanction implicite (et parfois explicite) du supérieur hiérarchique, favorise aussi le sentiment de confiance en soi des collaborateurs.
Enfin, une équipe dans laquelle les gens n’ont pas peur de conflit, est une équipe beaucoup plus efficace, en mesure d’ouvrir et d’explorer autrement les différents horizons d’action. - Favoriser les initiatives et donner le droit à l’erreur.
Faire confiance revient aussi à accepter le fait que les collaborateurs puissent « sortir du cadre », penser en « dehors de la boîte », prendre des initiatives favorisant une réalisation plus efficace des objectifs assignés.
Or, bien souvent, les managers se tiennent aux dispositifs, aux produits, aux prestations, aux savoir-faire déjà éprouvés, à ce qu’ils considèrent comme des « vaches sacrées » et n’autorisent pas leur remise en cause. Or, dans un environnement complexe, on assiste à un niveau très élevé de « caducité » des prestations, des produits… du fait de l’évolution des besoins et des demandes des usagers, des clients, des parties prenantes, internes et externes. Cela nécessite nécessairement une capacité à remettre en cause ces mêmes vaches sacrées en libérant l’énergie des collaborateurs et en faisant confiance à leur capacité créative. - Renforcer l’auto-contrôle et rendre les gens responsables.
Dans un environnement complexe du fait l’instabilité et des changements récurrents, la mise en place des dispositifs de contrôles trop centralisés et procéduralisés peuvent constituer des freins à l’engagement, ralentir les capacités de proaction et de production pertinente des collaborateurs sur le terrain. Il devient alors nécessaire de faire évoluer les modalités de contrôles avec le développement des logiques d’auto-contrôle et une focalisation sur les jalons essentiels.
Or ce mouvement vers l’auto-contrôle est à la fois un indicateur du « faire confiance » et un accélérateur de l’émergence de la confiance dans la relation manager-collaborateur. Cela implique également que l’on responsabilise les collaborateurs sur des projets, des champs d’actions ou des missions comportant et créant de la valeur, en leur laissant la place nécessaire pour s’exprimer pleinement. Cela implique aussi que ce collaborateur puisse être capable de rendre compte de ses actions et réalisations (respons-ables = capable de répondre).
La confiance est, et sera à coup sûr, au cœur de tous les enjeux d’adaptation, d’innovation, d’évolution et de performance des organisations. Elle seule leur permettra de saisir leurs opportunités de progrès.
Pour découvrir ou (re)découvrir notre 1er volet sur la confiance, lisez notre article « Managers, comment développer la confiance ? ».